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La jeunesse, le choix de Paris et la tentation du surréalisme

portrait Grégoire Michonze, peintre français d’origine russe, de son vrai nom Gherès Michonznic, est né le 22 mars 1902 à Kichinev en Bessarabie russe, actuelle Moldavie, d’une famille juive modeste. Il était l’aîné de cinq enfants : Grégoire, David, Boris, Israël et Lisa.
Son père, négociant en textiles, est le fils d’un directeur de Yeshiva, école où l’on étudie la Torah.
Sa mère descend d’une famille de rabbins de la ville de Sadagora en Bucovine.

Il commence des études de peinture à l’École des Beaux-Arts de Kichinev de 1919 à 1921 et s’initie à la technique de la peinture à l’œuf en peignant  des icônes, pratique dont il retiendra la minutie d’exécution.

La Bessarabie étant devenue roumaine en 1918, il poursuit ses études à l’Académie de Peinture de Bucarest, où il peint des décors de théâtre et se lie avec Victor Brauner, son cadet d’un an.

portrait Ne voyant d’avenir artistique qu’à Paris, il décide de réaliser son rêve: il embarque à Constanza le 15 août 1922 pour Marseille, via Istanbul et la Grèce, dont les paysages sauvages et rocailleux marqueront à jamais sa peinture.

Dès son arrivée à Paris, il trouve tout naturellement le chemin de Montparnasse et de ses cafés, où se rassemblent peintres et intellectuels de l’époque. Il peindra toute sa vie dans la capitale, soixante années durant. C’est à la Rotonde, dès la fin de 1922, qu’il fait la connaissance de son compatriote, Chaïm Soutine, avec lequel il se sent de profondes affinités. Ils assistent souvent à des matchs de boxe ou de catch, parlant peu, sauf quand Soutine s’enflamme pour Rembrandt…

Il survit d'abord grâce à des travaux de fortune : il rencontre ainsi Max Ernst qui travaille lui aussi -sous le surnom de Monsieur Paris- dans une fabrique où l’on décore des bracelets, des fume-cigarettes, des porte-plumes et autres colifichets en galalithe.

En 1924, Max Ernst l’introduit auprès des surréalistes : André Breton, Paul Éluard, Yves Tanguy, Louis Aragon, André Masson, Man Ray… Il assiste aux réunions du café Cyrano, un peu à l’écart. Il ne fera jamais officiellement partie du groupe, sa nature indépendante ne s’accordant pas avec le caractère autoritaire de Breton. Il écrira en 1959, à propos de cette période : « Je fus impressionné par le surréalisme à sa naissance. J'étais là, j'étais jeune et eux aussi. Si j'ai peint d'une manière surréaliste pendant un ou deux ans à la fin des années vingt, je me suis tourné résolument vers la vie, vers la réalité en 1930 et je ne l'ai plus jamais lâchée. J'insiste sur le lien indissoluble entre l'art et la vie. Et la poésie en peinture importe plus que la peinture elle-même… Soutine, c'est la réalité, vue par un poète féroce. Elle est déformée, mais toujours en accord avec la nature et la vie ». Mais Michonze a bien été atteint par « le virus du surréel » comme il l’appelait, et c’est peut-être en cela qu’il diffère tant de ses amis et compatriotes, comme Kikoïne, Kremegne ou Volovick par exemple.

Par ailleurs, il suit les cours de l’École Nationale des Arts Décoratifs en 1924. Sa conclusion tombe comme un couperet : « Le décoratif et le pictural c’est l’eau et le feu ». Il créera cependant , pour survivre, des modèles de tissus pour la haute couture, dans un atelier tenu par Ilya Zdanevitch, un ami de toujours, qui travaille alors pour la maison Chanel. 

portrait En 1927 il commence à signer du nom de Michonze, en écriture cursive. Il participe à la création de la revue d’avant garde « Discontintinuité » d’Arthur Adamov et Claude Sernet, fréquente Robert Desnos, Antonin Artaud, Max Jacob et Ilia Zdanévitch, dit Iliazd, mais aussi les artistes et poètes roumains comme Brassaï, Benjamin Fondane, Ilarie Voronca, Tristan Tzara. Il illustre certains de leurs textes et contribue aux revues roumaines « Tiparnita Literara » et « Unu » de 1930 à 1932.

En 1928, il fait la connaissance de Henry Miller, à la terrasse du Dôme. C’est le début d’une amitié de toute une vie. Miller écrira beaucoup plus tard : « Ton œuvre justifie pleinement ton existence. Elle est bien supérieure à ce que j’avais pu imaginer. Elle est merveilleusement folle, ivre, démente, lubrique, caricaturale, mais si magnifique, si émouvante. Comme tu as eu raison de ne jamais adhérer au surréalisme… » ( Lettre à Michonze, le 30 juin 1978 ).

Le 2 juin 1930, Pascin met fin à ses jours.

Les années 30, l’affirmation d’un style : « le naturalisme surréel »

portrait En 1931, Michonze séjourne à Cagnes-sur-Mer, où il côtoie les écrivains et artistes anglo-américains qui s’y retrouvent en été, chez le poète Abraham Lincoln Gillespie junior, dit Linky. Il y a rencontré, entre autres, l’écrivain Cyril Connoly, dont il fait le portrait, posant avec sa femme, quelque temps plus tard. Il organise sa première exposition personnelle dans son atelier d’Antibes en septembre 1932 où il montre des huiles, mais aussi des gouaches, médium qu’il aimera toujours pour sa matité et la profondeur des couleurs.

Un jour, Soutine l’emmène voir « son arbre » à Vence, qu’il avait peint dix-huit fois. « N’est-il pas comme une cathédrale ? » Michonze savait bien pourquoi Soutine avait choisi cet arbre en particulier : il y avait sur la place un angle dans lequel il pouvait s’installer pour peindre à l’abri des regards.

De 1931 à 1937, il contribue régulièrement au Salon des Surindépendants et à diverses expositions de groupe, notamment à la galerie de la Renaissance, la galerie Jacques Bonjean, et la galerie Clausen.

Vers le milieu des années trente, ses compositions deviennent plus denses et variées, certaines de grande dimension, où l’on peut déceler l’influence de Brueghel et de Bosch, ou du quattrocento. Parallèlement, il peint des portraits de petite taille, d’une grande délicatesse. Toute sa vie, il a peint des portraits, souvent de commande, ce qui n’est pas vraiment de son goût, mais lui garantit de quoi vivre pendant quelque temps. Son style personnel, qu’il nommera plus tard « naturalisme surréel », s’affirme à l’écart des courants. Il voyagera beaucoup au cours de sa vie, en France comme à l’étranger, l’esprit ouvert, curieux des paysages, de l’architecture des villages, mais surtout curieux des êtres. Carnet en poche, il dessine partout, dans la rue, les cafés, les squares, le train, et même l’autobus. Le dessin, qu’il soit d’après nature ou totalement libre, est la colonne vertébrale de son art.

Il écrira, en 1959, après les controverses concernant l’art abstrait et l’art figuratif : « Mes sujets n'ont pas de sujet. Ils n'existent que dans un but poétique. Si la poésie est là, le tableau est fini. Aucune histoire. De la poésie pure, de préférence sans titre. C'est en cela que je suis surréaliste, à ma façon.» En 1935, il peint « Intérieur », grande toile carrée, énigmatique, où figure notamment son ami russe, le peintre abstrait Pierre Grimm. Parmi les personnages perdus dans leurs pensées, un bébé prend place tout au centre, son petit-neveu, le futur poète et linguiste Henri Meschonnic, qui sera son ami et son soutien. Il expose la grande toile « La ferme », et « Le musicien » aux Surindépendants. En 1937, il commence à signer Michonze avec un z d’imprimerie, au lieu d’un z cursif.

En 1937, il embarque sur le paquebot Normandie pour les États-Unis. Il séjourne quelques mois chez des amis dans le Massachusetts, puis à New York, mais il n’est pas particulièrement inspiré par le nouveau monde.

portrait À son retour à Paris, en 1938, il rencontre une jeune artiste, Una Maclean, issue d’une très vieille famille écossaise qui compte des ingénieurs et un amiral. Elle venait de Londres dans le but d’approfondir son art auprès d’un peintre confirmé. Des amis lui avaient donné l’adresse de deux peintres, Max Ernst et Michonze. Max Ernst n’étant pas chez lui, elle se rend chez Michonze et l’attend, assise sur les marches de l’escalier. Ils ne se quitteront plus. Elle deviendra sa femme et son modèle.

Il lui écrit, en 1939 : « J’ai besoin de toi, comme des pommes de terre ». Entre eux tout est clair : si Una est bien sa femme, la peinture demeure sa maîtresse. Michonze ne voulait pas d’enfants, connaissant trop bien les difficultés matérielles dans lesquelles il n’avait cessé de se débattre. Il craignait aussi de perdre un peu de cette liberté qui lui était essentielle pour son travail. Ils auront tout de même deux enfants, Anna et Patrick, pour lesquels il se montrera un père aimant et généreux.

Il se lie d’amitié avec Francis Gruber, dont les conceptions picturales lui paraissent proches des siennes. Michonze est un homme de gauche, mais ses convictions politiques ne se devinent qu’en filigrane dans sa peinture. Il lui arrive très rarement de faire une allusion voilée à des évènements du monde, comme dans « Le bottier », une grande toile de 1938, où une jeune femme aveugle indique de sa canne blanche le journal « Paris Midi » où l’on peut lire en gros titre « L’accord de Munich ». Les scènes de guerre qu’il peint en 1939 ont des allures d’allégorie. Il ne fait pas non plus état des traditions juives et les pogroms de sa ville natale, Kichinev, ne se révèlent que très rarement dans son œuvre.

La rupture : la guerre et l’après guerre

Engagé volontaire dans l’artillerie française en 1939, il est fait prisonnier en juin 1940. Transféré au stalag XC en Allemagne à Nieburg-sur-Weser, à 60 km de Brême, il y passe deux ans, de 1940 à fin 1942. A proximité sont regroupés des prisonniers russes de l’armée rouge dont les conditions de détention sont particulièrement atroces. Il en témoigne par ses dessins, dont certains serviront d’esquisses pour des peintures, et le souvenir de ses compatriotes mourant de faim ne cessera de hanter sa mémoire et son œuvre.

À Paris, Una, prévenue d’une rafle des sujets britanniques, décide de ne pas fuir en Angleterre de peur de perdre tout contact avec Michonze. Elle se laisse appréhender et sera détenue dans différents camps en France, de janvier à août 1941, où elle continuera de recevoir ses lettres d’Allemagne. Michonze est libéré et rentre à Paris fin décembre 1942.

portrait Pendant les trois dernières années de la guerre, il peint des compositions, en général des petits formats, mais toujours grouillants de personnages, ainsi que des portraits et de nombreuses nature-mortes - tout ce que l’on trouvait à manger faisant d’abord l’objet d’une œuvre. Una peint parfois à ses côtés et lui sert aussi de modèle. Toute cette période est riche en dessins, à la plume et au lavis d’encre de chine, médium qu’il affectionne, ou bien au crayon ou au fusain rehaussé, comme les portraits de son ami le poète Benjamin Fondane, qu’il réalise en 1943, peu avant que celui-ci ne soit déporté.

Au mois d’août 1943, Soutine, qui avait toujours souffert d’un ulcère à l’estomac, meurt à l’âge de 49 ans. En septembre, Una donne naissance à une petite fille, Anna. La famille habite l’atelier de la rue de Seine. Ils occupent aussi un autre lieu, à Arpajon dans l’Essonne, place du marché, qu’ils transforment en atelier commun.

En octobre 1944, Michonze expose à Arpajon ses « Souvenirs de Captivité », une soixantaine de dessins et aquarelles de scènes du stalag et des têtes saisissantes de jeunes soldats russes, dont les ventes iront au bénéfice des familles des prisonniers de guerre.

Après la libération, il participe à de nombreuses expositions de groupe : Galerie de Berri, Jean-Marc Vidal, Berri Raspail, Drouant David, Roux-Hentchel, Galerie John Devoluy et le Salon d’Automne.

En 1946, il reçoit enfin des nouvelles de sa famille : sa mère et sa sœur, qui vivaient en Roumanie, ont survécu au pogrom de Iasi en 1941, l’un des plus terribles de toute le guerre. Son père a succombé sous les coups des Gardes de fer Roumains, près de Iasi, à la descente d’un des « convois de la mort » de l’été 1941. Son frère David a survécu ayant réussi à s’enfuir. Il n’y a aucun signe de vie de ses deux autres frères, Boris et Israël.

Una, négocie pour Michonze une première exposition personnelle à Londres, à la galerie Arcade en 1946. En 1947 il obtient la nationalité française qu’il souhaitait depuis longtemps. La famille s’installe au 25 rue Daguerre, laissant ainsi l’atelier de la rue de Seine à Michonze, qui peut de nouveau travailler dans la tranquillité. Une nouvelle exposition personnelle est organisée en 1947 à Londres, à la galerie Mayor.

En 1948 il séjourne en Angleterre et en Ecosse, où ont lieu deux expositions personnelles, à Edimbourg et à Glasgow. Cette même année, il perd son ami Francis Gruber, décédé de la tuberculose à 36 ans. Michonze contribue au salon des Surindépendants en 1946 et 1947, ainsi qu’en 1948 où il expose la toile « Les rêveurs ». C’est une grande composition où, parmi des villageois anonymes, on reconnaîtra André Breton sur un cheval blanc, Max Ernst, Picasso, Baudelaire, Nietzsche et d’autres, ainsi que le collectionneur commanditaire de la toile.

portrait En 1949, l'Etat acquiert une de ses œuvres, "La Moisson", pour 40 000 francs, une somme importante pour l’époque. Elle fait actuellement partie du Fonds National d’Art Contemporain.

Michonze participe au salon des Surindépendants en 1950, puis au Salon de Mai en 1951, avec une composition de grande taille, à la tempéra à l’œuf : « Personnages devant la mer ». Les grands formats, relativement rares dans son œuvre, sont souvent conçus spécialement pour les salons, alors que les dimensions habituelles de ses toiles ne dépassent guère le format français 10 figure (55 x 46 cm).

En juin 1951 a lieu à Paris son mariage avec Una. En juillet-août de la même année, une exposition personnelle se tient à Aix-en-Provence, à la galerie Bassano. Il s’initie également à la gravure - taille douce et pointe sèche - dans l’atelier de William Hayter à Paris. En 1953 a lieu sa première exposition personnelle à Paris, dans l’atelier de son ami le peintre Mayo, après plus de trente ans de présence dans la capitale. L’année suivante, il expose en solo à la galerie Guénégaud. Il ne cite jamais cette exposition, la jugeant partiellement incomprise. Plusieurs critiques ont employé le terme de « naïf », comme si le besoin d’étiquettes les eut fait passer à côté de l’essentiel. Michonze a toujours souffert de ce contresens sur son œuvre, de cette erreur de jugement de certains. S’il est vrai qu’il n’entre pas dans les « tiroirs » de l’histoire de l’art, s’il est obstinément à contre-courant, sa place historique n’en existe pas moins.
Le 30 avril 1954, naît son fils, Patrick.

portrait Michonze séjourne en Israël, chez son frère David qui avait émigré de Roumanie au début des années 50 avec sa famille. Il y retrouve sa mère après trente deux ans de séparation. Pendant toute cette période, il contribue régulièrement au salon Comparaisons.

Una travaille comme professeur d’anglais dans une école privée de la rue du Cherche Midi. Elle a joué un rôle stabilisant dans la vie de Michonze. C’est elle qui a trouvé l’atelier de la rue de Seine qu’il ne quittera plus, alors qu’avant la guerre il n’avait cessé de changer d’adresse. Il apprécie le regard qu’elle porte sur son travail en cours, ses critiques. Il travaille vite, avec généralement plusieurs œuvres en chantier à la fois. Dormant la plupart du temps dans l’atelier de la rue de Seine, il se lève tôt, travaille jusqu’à midi, descend s’acheter à manger, prépare un repas simple, composé de maquereaux ou de harengs accompagnés de pommes de terre et de fruits de saison. Après une courte sieste, il reprend le travail jusque vers 18 heures. Il descend alors retrouver ses amis au café La Palette, rue de Seine, ou va voir un film.

Una trouve une location pour l’été, avec une pièce pouvant servir d’atelier à Michonze, qui rejoint alors la famille. Tous les enfants des villages lui servent de modèles. Il y aura ainsi en Normandie, en Bretagne, dans les Cévennes, ou en Dordogne des étés riches en études. Il a parfois recours aux modèles professionnels et fait des incursions régulières à l’atelier libre de l’académie de la grande Chaumière. Dans son œuvre, toutes époques confondues, les nus, le plus souvent féminins, se mêlent tout naturellement aux vêtus.

Une plus grande liberté : les grandes rixes et les huiles sur papier marouflé

En 1959, a lieu une importante exposition personnelle à Londres, à la galerie Adams pour laquelle Henry Miller préface le catalogue : « De tous mes amis peintres qui ont survécu aux guerres, révolutions, massacres, tortures, oubli des valeurs et cassures de notre époque, Michonze émerge comme le rocher du temps. Aujourd’hui il semble même plus vivant, plus solide, plus déterminé et même plus optimiste que la première fois où je l’ai rencontré à la terrasse du Dôme. Il a toujours été un solitaire. Toujours fidèle à lui-même. Il peint sa solitude. Mais il n’y aucun sentiment d’abandon dans sa solitude. Mieux, il y a quelque chose de remarquablement pur dans ses peintures… Elles respirent la vie de leur créateur, un homme qui a gardé le cœur pur, l’esprit libre, et qui est encore capable d’avoir sur la vie un regard simple et sain, en lui rendant hommage, en la révérant. »

portrait Pendant l’exposition, Michonze écrit à Una : « Les Adams sont vraiment des gens d’une grande délicatesse. Ils m’ont demandé, presque gênés, si j’accepterais de partager la moitié des frais de l’exposition en leur donnant un tableau. Peux-tu imaginer quelqu’un faire pareille proposition à Paris ? »

C’est à cette époque qu’il fait la connaissance d’Abel Rambert qui deviendra son marchand parisien attitré. Un début de sécurité financière semble voir le jour. Michonze a toujours aimé peindre sur du lisse, directement sur du papier, préparé pour l’huile, ce qui permet de conserver, grâce à une exécution rapide, toute la liberté et la spontanéité du dessin, souvent visible sous la légère couche de peinture. En 1960, il apprend donc à maroufler ses huiles sur papier lui-même, sur toile ou sur panneau : la technique se généralise alors pour beaucoup de ses petits et moyens formats. 

Il participe à la série de Jean-Marie Drot « Les heures chaudes de Montparnasse », en évoquant ses souvenirs avec Soutine. En 1961, il reçoit le prix de la Fondation William et Noma Copley (Chicago). Il fréquente ses amis peintres Henri Dimier, Pierre Domec et Maurice Baskine, francs-tireurs comme lui.

En 1962 il commence une série de grands formats, à la texture mate sur toile absorbante, aux pigments et à l’œuf, avec pour sujet des rixes, vision humoristique et désabusée de la violence humaine. Mais aussi, les grands gestes désordonnés en diagonale apportent une dynamique nouvelle aux compositions. La même année une exposition personnelle est organisée à la galerie Vallotton à Lausanne. Lors d’une interview pour la Tribune de Lausanne, on lui demande pourquoi il peint des cours de ferme, il répond : « Il y a tout dans une cour de ferme, des bêtes, des gens, des objets, des maisons, des arbres, le désordre est admis, logique, toléré. »

Au salon Comparaisons de 1963, il présente « Rixe », une de ses grandes compositions récentes. Il peint aussi des huiles sur des formats oblongs, qu’il affectionne, et qu’il nomme ses « oblonguettes ». Henry Miller, qui en possède une, lui écrit, en 1965 : « Ton long panneau rectangulaire est accroché dans ma chambre au-dessus du placard et je le vois dès que ma tête touche l’oreiller. Quand on me demande qui l’a peint, je réponds « un maître ancien ». Tu es bien le plus coriace des vétérans du monde de l’art d’aujourd’hui. »

portrait En 1964, il participe à l’exposition surréaliste à la Galerie Charpentier à Paris, avec sa toile de 1937 « On joue la rouge ».
L’œuvre sera acquise par l’État en 1972, et se trouve actuellement au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris.
La même année, il est le premier lauréat du Grand prix de la Biennale de Trouville.


La famille s’installe au 57 boulevard Lefebvre dans un appartement plus grand, où Michonze vient peindre de temps à autre, mais l’essentiel de son travail se fait toujours à l’atelier de la rue de Seine.

En 1965, il participe à l’exposition « Mars autour du surréalisme » à la Maison de la Culture de Caen, avec « On joue la rouge » et « Il y a un nu et des aveugles » Il expose « Eve et Eve » au salon Comparaisons.

Il séjourne une deuxième fois en Israël, auprès de sa mère dans la famille de son frère David. « Le pays de Grégoire Michonze », long récit de Patrick Waldberg sur la vie artistique et intellectuelle à Montparnasse, paraît dans la toute dernière livraison de la revue «Le Mercure de France » en mars 1965.

En 1966, sa mère meurt en Israël, à 86 ans. En 1967, Henry Miller lui rend visite à l’atelier de la rue de Seine pour un entretien filmé par Robert Snyder, qui tourne « The Henry Miller Odyssey ». Michonze précise : « J’ai essayé de poursuivre une tradition. Simplement. Et je ne cherche absolument pas à faire du neuf. » Ils regardent des huiles en cours, et Miller lui dit que sa peinture lui fait penser aux écrits d’Isaac Bashevis Singer. Michonze répond : « L’être humain ! L’être humain, un cheval, une vache, un animal !…Demandez-moi ce que j’ai dans la tête. Je n’ai rien dans la tête. Tout mon cerveau va dans mes doigts. Et j’ai un mal fou à trouver un titre pour mes tableaux. Je suis exactement comme un peintre abstrait. A ceci près, que moi, je suis terriblement fidèle à la vie ! »

Le moulin : la période mate et claire

portrait Lors de vacances familiales, Michonze découvre un ancien moulin à eau, en Champagne, dans le village de Jully-sur-Sarce, à 30 km de Troyes, dont il fait l’acquisition. Il fera construire des ateliers dans la grange attenante et y séjournera désormais plusieurs mois par an, y nouant de nombreuses amitiés, comme avec les peintres Guy Péqueux et le tout jeune François Bard, ou le poète Christian Noorbergen…

En 1969 il est victime de deux attaques cardiaques. Pendant sa convalescence, quand il n’arrive pas à peindre, il modèle des petites têtes et personnages en terre, dont certains feront l’objet d’une édition en bronze.

À cause de l’état de santé de son père, Patrick, qui a maintenant 15 ans, est éloigné au lycée climatique à Briançon. Il y est pensionnaire quelque temps, puis vit chez l’habitant, où il jouit d’une liberté un peu trop grande pour l’adolescent « fragile » qu’il est devenu.

En 1971 naît Claudia, fille d’Anna et de Martial Solal, compositeur et pianiste que Michonze a su apprécier. La musique a toujours tenu une place importante dans sa vie, elle accompagne et stimule son travail, et que ce soit au moulin ou dans son atelier parisien, le commutateur électrique de la lumière commande également la radio, toujours branchée sur France Musique.

Au printemps 1971, Michonze participe à une exposition de groupe au Petit Palais de Genève. De décembre à janvier 1972, il présente une exposition personnelle « Birds, beasts and humans » à la galerie Buckingham de Londres, avec un catalogue comportant des extraits du récit de Patrick Waldberg.

Pendant son séjour à Londres, il commence une série de grands formats à l'essence minérale, au rendu très mat et aux tonalités plus claires. Cette technique sans vernis, qui lui laisse une très grande liberté, sera la sienne désormais. Très frappé, en 1970, par l’exposition sur l’Expressionnisme Européen au Musée d’Art Moderne de Paris, il avait noté sur le catalogue : « La peinture sera large ou ne sera pas ». La période des années 1970-80 est ressentie par lui comme un cadeau du ciel après la mort, évitée par miracle en 1969.

Il rentre de Londres le 7 janvier 1972 pour le vernissage de l’exposition des 80 ans de Henry Miller au Centre Culturel Américain à Paris, où l’on projette le film de Robert Snyder « The Henry Miller Odyssey », dans lequel figure une partie de l’interview de Michonze par Miller à l’atelier de la rue de Seine.

Au moulin, il débute une série de grands fusains rehaussés à la craie ou au pastel, des grandes têtes ou des personnages en pied, souvent d’après modèle et grandeur nature, sur papier kraft préparé, qui se prolongera durant toute la dernière période de sa vie. Ses modèles sont des amis de passage, des villageois et une jeune femme, Noëlle, qui lui sert de modèle à demeure certains étés.

La santé de son fils Patrick, dont les beaux dessins sont très prometteurs, est devenue préoccupante. Il est hospitalisé quelque temps : c’est le premier d’une longue série de séjours en psychiatrie, avant de trouver, à la clinique de La Chesnaie, dans le Loir-et-Cher, un lieu de vie où ses talents pourront s’exprimer librement.

En 1973, Michonze doit se faire opérer d’un ulcère à l’estomac qui le fait souffrir depuis de nombreuses années. Cette intervention a peut-être eu une influence bénéfique sur son humeur. En effet, toute sa vie, il a été sujet à de terribles crises de désespoir, pendant lesquelles il se trouvait dans l’incapacité de travailler, jusqu’à ce que de nouveau, le goût de peindre et son équilibre lui reviennent.

portrait En 1974, il se remet à la gravure à l’eau forte et à la pointe sèche, au moulin, où il s’est fait installer une presse qui lui permet de faire ses tirages lui-même.

En novembre 1976, Una est hospitalisée à Troyes pour une pneumonie. Un cancer du poumon est dépisté. Elle décèdera le 7 août 1977 à Troyes.
À partir de cette époque, Michonze travaille régulièrement au printemps en Israël, en été au moulin où Anna et Claudia le rejoignent, en automne et en hiver dans son atelier parisien.

En 1978 a lieu, à Troyes, une importante rétrospective de plus d’une centaine de toiles, au Centre Culturel Thibaud de Champagne, organisée par Dominique Daguet, ainsi que l’année suivante, une exposition de très nombreux fusains et pastels de la période des années 70.

L’exposition a été préparée avec son amie et modèle Erminia dans un nouvel atelier rue Urbain IV à Troyes.

En 1980, il visite Florence, en compagnie de deux jeunes infirmières.

En 1982 il travaille en Israël à de grands dessins oblongs chargés de personnages puis au moulin et à Paris à des gouaches représentant des scènes mouvementées.

Michonze meurt le 29 décembre d’un arrêt cardiaque à l’âge de 80 ans. Il repose auprès d’Una dans le cimetière de Jully-sur-Sarce.

Sa vie aura été entièrement consacrée à une seule passion : son art. En 1977, il écrit à Una : «  Je veux encore apprendre à dessiner et à peindre. J’ai 75 ans et je veux aller à l’école. Donc je suis jeune. »

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